Dessiner un territoire à haute valeur humaine

Le cabinet d’architecture et d’urbanisme Atelier D s’est donné pour mission d’aménager le territoire en créant des synergies pour construire la ville d’aujourd’hui et de demain. Sa vision ? Prendre le temps de la réflexion à laquelle chaque habitant est convié à participer, imposer le développement durable et régénératif, préférer l’emploi de matériaux biosourcés et favoriser l’architecture bioclimatique.

Une sorte de « slow architecture » pour construire en harmonie et en respectant l’histoire du lieu. Rencontre avec l’un des deux associés, Vanessa Grob, qui nous explique en quoi humanité et urbanisme vont de pair dans leurs projets.

« Sur une approche régénérative, il faut mettre tout son cœur sur le projet, cela n’est pas toujours rentable excepté du point de vue humain et environnemental. »

Vanessa Grob, qu’entendez-vous par « approche régénérative » ?

Nous avons créé l’agence Atelier Durable car nous voulions construire un monde qui respecte l’environnement. Mais en 2003, il n’était pas évident de trouver des projets durables qui concernent l’ensemble de la construction et pas uniquement la façade ! On nous regardait avec de grands yeux : vous faites quoi ? C’est quoi le développement durable ?

Nous nous sommes rendus compte que, pour avoir un impact neutre sur l’environnement, nous arrivions très vite à un plafond. Nous nous sommes donc orientés vers le développement régénératif. Un terme qui désigne une méthode créée aux USA par Regenesis Group qui considère les projets architecturaux comme des systèmes vivants. Cette manière de procéder s’est avérée particulièrement efficace dans l’accompagnement des acteurs locaux vers la transformation de leur territoire en lieux de résilience et d’innovation.

L’approche régénérative qui est pour nous un véritable manifeste prend en compte l’écosystème, dont le territoire, les matériaux, l’industrie et les hommes font partie. Dans cette démarche, la construction est un des points de l’ensemble, mais le questionnement va plus loin : qu’est-ce qui se passe avec l’économie, avec l’utilisation des matériaux naturels et l’emploi des personnes locales ?

Cette multiplication des liens complexifie le simple exercice de bâtisseur, mais en même temps, offre un résultat plus transversal et plus enrichissant humainement. Par exemple, lorsque nous avons imaginé le projet de la Cour Suprême au Burundi, dans le cahier des charges, il était important que les locaux puissent travailler sur le chantier. Nous avons donc formé les personnes sur la construction en terre crue, un savoir-faire local mais oublié, que les ouvriers ont pu ensuite reproduire sur leur propre maison. C’est juste un petit pas en plus, mais c’est toujours un petit pas de gagner pour nous, êtres humains et pour la planète.

 

Bois, brique en terre, béton chanvre… faut-il revenir aux fondamentaux pour bien construire ?

Autrefois, la température et l’hygrométrie intérieure des bâtiments construits en bois, terre ou matériaux naturels se régulaient toutes seules ce qui permettait d’atteindre un niveau de confort agréable. Désormais si l’architecture bioclimatique n’est pas toujours suffisante au regard des besoins énergétiques attendus de nos jours, nous pensons que, plus nous sommes sur des matériaux frugaux, des éléments de fonctionnement pas trop complexes qui peuvent être couplés avec un peu de technologie, plus le résultat va être probant. Nous avons pu constater qu’en utilisant les matériaux biosourcés, la température ressentie (les 19 °C préconisés par la réglementation thermique) est beaucoup plus agréable que dans une construction béton.

Dans nos réalisations, ce sont l’architecture bioclimatique et l’histoire du lieu qui nous donnent les pistes fondamentales pour construire un projet. Nous recherchons toujours à utiliser des matériaux naturels ou biosourcés. Au Burundi, on nous avait demandé de mettre de la climatisation. Or c’est un pays où il y a des coupures de courant 3 heures par jour : la climatisation serait tombée en panne dans les 3 premiers mois. Nous avons donc plutôt fait le choix de jouer avec la ventilation naturelle, de poser des occultations et d’offrir des ouvertures très mesurées par rapport à l’ensoleillement.

Sur L’îlot Bois de Strasbourg, nous avons privilégié le bois, mais aussi le béton chanvre. Car autrefois la ville de Strasbourg travaillait le chanvre pour concevoir le cordage des bateaux qui naviguaient sur le Rhin. Lorsque le territoire est par exemple riche en bois, si le résidu de bois permet aussi de créer de la laine de bois, c’est tout le système de construction qui bénéficie de l’utilisation des matériaux naturels. Et plus nous les utiliserons, plus ils seront accessibles au plus grand nombre.

 

La rénovation ne devrait-elle pas être la priorité du BTP ?

La rénovation est primordiale par rapport à la quantité de constructions qui existe. La rénovation, c’est revaloriser tout en rendant un immeuble plus confortable, ramener une nouvelle vie, générer une nouvelle énergie ; pas forcément pour faire « un immeuble signature » que tout le monde va voir, mais plutôt pour rendre plus confortable la vie de chacun dans une certaine simplicité. Mais pour réaliser correctement une rénovation, il faut être en phase avec les matériaux qui ont été utilisés à l’époque. Car nous nous retrouvons aujourd’hui avec des bâtiments rénovés dans les années 80 sur lesquels la rénovation a créé plus de pathologies que de solutions. Nous nous devons d’être respectueux de cette logique de construction ancienne.

Dans le cadre du dispositif Eco-Rénovons Paris, nous travaillons avec de nombreuses copropriétés pour leur trouver des solutions pertinentes, des financements… Contrairement à un bailleur et un interlocuteur unique, nous avons à faire à un niveau de collectif et d’individus, et c’est toute la difficulté et la richesse de ces projets.

« Aujourd’hui, nous ne pouvons plus prendre une feuille blanche, tirer un trait et dire « ça c’est la rue »… c’est beaucoup plus complexe que cela. »

Comment faut-il construire la ville de demain ?

Il faut être plus à l’écoute. Nous nous devons de traduire cette attente des habitants qui ont beaucoup d’idées pour l’espace public et la ville. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus prendre une feuille blanche, tirer un trait et dire « ça c’est la rue ». C’est beaucoup plus complexe que cela. Nous avons des défis bioclimatiques et des défis liés à la beauté de la ville à relever.

Une ville se construit aussi avec une politique de ville. Les élus par exemple ont envie de faire de la participation et d’entendre quelles sont les idées des habitants, mais ils ont aussi très peur que les choses ne se passent pas exactement comme ils le voudraient. C’est pour cette raison que lorsque nous utilisons une approche régénérative avec une recherche de l’histoire du lieu en essayant de comprendre pourquoi ce territoire a donné ce qu’il a et comment il peut encore s’améliorer et se développer, le projet part sur une base positive pour la suite.

Un autre point qui nous est primordial dans la construction, c’est de prendre en compte la vie.

Dans les cahiers des charges aujourd’hui, au RDC d’un bâtiment, il faut mettre un local à vélos, un local technique, des accès voitures et piétons… Nous nous retrouvons ainsi avec des bâtiments qui, sur rue, n’ont plus de commerces ou de local commun, perdant ainsi cette vie qui est fondamentale pour construire une ville.

Une ville est construite par une certaine homogénéité, nous aimons défendre une architecture qui se fond dans son contexte. Tous les architectes ont envie d’apposer une touche particulière, mais si cette touche peut s’inscrire dans cette continuité, nous pensons qu’elle a une grande valeur !

La Cour Suprême de Bujumbura, Burundi, une réalisation de l’Atelier D entièrement construite en architecture bioclimatique.
L’utilisation des matériaux locaux et biosourcés comme la brique de terre est visible dans la grande salle de la Cour Suprême.

Le cabinet d’architecture Atelier D a pu apporter son approche régénérative au projet dans un contexte global qu’il s’agisse du climat, des matériaux ou des contraintes liées au pays.

Construction neuve de 8 logements sociaux en béton de chanvre, à Paris, mai 2016.

Les balcons formés de boîtes en bois jouent le rôle de petite serre tout en coupant le rayonnement solaire direct sur les vitrages.

Construction neuve de 8 logements sociaux en béton de chanvre, à Paris, mai 2016.

Les balcons formés de boîtes en bois jouent le rôle de petite serre tout en coupant le rayonnement solaire direct sur les vitrages.

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